15-03-1934 : Molière, Der eingebildete Kranke
Jeudi 15 mars 1934
Première de Der eingebildete Kranke (Le malade imaginaire) de Molière
La représentation du Malade imaginaire, comédie en 3 actes de Molière, au Neues Stadttheater à Teplitz, le 15 mars 1934, fut un évènement à plusieurs titres. D’abord, la représentation d’une pièce de Molière était un évènement en soi, puisque c’était la seconde fois seulement depuis l’ouverture du théâtre en 1924 que cela se produisait (la première avait été Tartuffe, mis en scène par Hans Schlesinger en avril 1927). Ce choix avait été collectif, pris par la coopérative des comédiens et chanteurs qui géraient le Neues Stadttheater depuis le retrait, fin décembre, du directeur Gerhard Scherler.
D’autre part, le représentation fit date aussi par la prestation de l’acteur Paul Lewitt dans le rôle d’Argan. Paul Lewitt et sa conjointe Charlotte Kuters, chassés d’Allemagne par l’arrivée des nazis, avaient été engagés par Scherler en début de saison et étaient restés dans la coopérative après sa démission. La prestation de Paul Lewitt en Argan suscita des louanges unanimes de la presse (ce sera d’ailleurs l’un de ses grands rôles au cours de sa brillante carrière ultérieure). Il sut admirablement faire sentir, selon la critique, la détresse du personnage. Charlotte Kuters, en Toinette, fut un peu moins convaincante : Ernst Thöner (critique de Freiheit) lui reprocha d’en faire un peu trop, particulièrement par des mimiques exagérées.
La plupart des autres acteurs donnèrent toute satisfaction: Frauke Lauterbach en Beline (la seconde femme d’Argan), Maria Olbis en Angélique (fille ainée d’Argan, amante de Cléante), Ilse Kennemann en Louison (la fille cadette), Fritz Kennemann en Monsieur Purgon, Karl Ranninger en docteur Diafoirus et Josef Wichart en fils Diafoirus. Le jeune Alphons Mühlhofer, acteur invité qui avait fait ses débuts à Eger, incarna Cléante et s’attira les compliments de la critique pour sa forte voix et sa parfaite élocution « si rares de nos jours« .
Wolfgang Müller-Frees joua le notaire Bonnefoy avec quelques hésitations, mais rien à côté d’Alfred Kühne, véritablement assassiné par la critique pour n’avoir pas su mémoriser convenablement le petit rôle de Béralde: « Il n’y a pas vraiment de raison qu’un acteur, dont on ne peut vraiment pas dire qu’il soit surmené, ait si mal mémorisé le rôle de Béralde qu’il n’a pas seulement gâché quelques scènes mais compromis la bonne, la très bonne impression de toute la représentation. » Et Ernst Thöner de reprocher au metteur en scène (Franz Stoss pour l’occasion) ses choix de distribution: « Le metteur en scène aurait du voir cela et remplacer à temps monsieur Kühne par monsieur Fritz Kennemann, dont on aurait certes regretté le précieux pathos en Dr. Purgon, mais qui aurait fait en sorte en Beralde que la soirée ne soit pas par moment ramenée au niveau d’une kermesse de village, d’autant plus qu’elle avait à part ça un très haut niveau artistique. » Il conclut néanmoins : »Mises à part ces quelques pénibles minutes, il faut dire grand merci à notre coopérative théâtrale pour avoir porté en scène un Molière, et dans une forme aussi remarquable. Espérons qu’elle aura le succès de fréquentation mérité. »
La représentation incluait un intermède chanté et dansé, où s’illustrèrent la chanteuse Rachelle Kozenn, le jeune danseur Kinasch et Hugo Löwenthal en violoniste.
Le public du Kammerspiel fit, le soir de cette Première, une longue ovation à Paul Lewitt et à toute la troupe, qui salua à maintes reprises à l’avant de la scène.