Le répertoire : vue d’ensemble
Le répertoire
du nouveau théâtre municipal de Teplitz-Schönau de 1924 à 1938
Le Neues Stadttheater à Teplitz a toujours fait place aux trois genres de spectacles scéniques, le théâtre, l’opéra et l’opérette. Au delà de cette constante, le répertoire du théâtre a pu varier d’année en année dans chacun des genres. Et chacun des Directeurs successifs a tâché d’y laisser sa marque.
Il a été possible de reconstituer une grande part de la programmation à partir des différentes sources disponibles. La liste des « premières » est complète de 1924 à 1932. Elle est quasi complète aussi pour 1932-33 et pour les années 1936-38. Elle est incomplète pour la saison 1935-36 et surtout extrêmement fragmentaire pour les deux années « de crise » 1933-1935 (éphémère direction Scherler, autogestion coopérative, direction Richter), années pour lesquelles nous n’avons disposé que de quelques coupures de presse ou témoignages écrits.
Le tableau ainsi constitué (cliquer ICI pour le consulter dans son intégralité) présente par ordre chronologique toutes les œuvres des trois genres, représentées au Neues Stadttheater de Teplitz entre 1924 et 1938 (avec quelques indications fragmentaires aussi pour la période 1938-1944). Les colonnes indiquent, de gauche à droite, la date de première représentation (les dates marquées « ? » n’ont pu être déterminées avec certitude), le titre de l’œuvre, l’auteur, le metteur en scène et, quand ces informations ont pu être retrouvées, le nombre de représentations et les noms des acteurs ou chanteurs. Il permet de caractériser chaque grande période du théâtre :
La première période, celle de la direction Höllering (1924-1926), se caractérise, pour ce qui concerne les pièces de théâtre, par une présence relativement forte du classique. Sur les 84 œuvres documentées de cette périodes, près de 12% sont des classiques des 17ème ou 18ème siècle, plus de 14% des pièces d’auteurs déjà classiques du 19ème (tels Hebbel, Strindberg, Wedekind, Wilde, Ibsen ou Nestroy). Pour le reste, 19% sont des pièces d’auteurs encore vivants mais qui ont déjà leur œuvre derrière eux et 54% environ, donc une grosse moitié, correpond à des œuvres contemporaines. Les auteurs les plus joués sont, outre le duo Franz Arnold/Ernst Bach, August Strindberg, Karl Schönherr et Gerhard Hauptmann.
Dans le domaine de l‘opéra, la période Höllering-Janowsky est marquée par une forte prépondérance des oeuvres du XIXème siècle (Wagner et Verdi avant tout mais aussi Weber, Halevy, Gounod, Bizet, etc…) qui occupent la moitié du répertoire, à coté de Puccini et d’un tout petit nombre de contemporains (R.Strauss, E. D’Albert, O.Nebdal …).
Le répertoire de l’opérette, enfin, est occupé par de nombreuses œuvres de Jean Gilbert, de Leo Fall et, pour un moins grand nombre, Robert Stolz, Emerich Kalman, Johann et Oscar Strauss, Edmund Eysler ou Franz Lehar, mais une trentaine d’autres auteurs d’opérettes sont présents pour une ou deux œuvres.
Durant la direction Ettinger (1926-1929), le répertoire évolue sensiblement. Au théâtre, sur un total de près de 130 pièces différentes, les classiques des 17ème et 18ème siècle occupent à peine 4%, ceux du 19ème à peine 15%, mais les pièces réellement contemporaines font plus de 60% du répertoire. Si Arnold/Bach restent indétrônables, l’auteur le plus joué, avec eux, durant cette période est George Bernard Shaw, devant Louis Verneuil et Frank Wedekind. L’opéra marque le pas (31 premières durant cette période). Si le 19ème siècle tardif reste prédominant, et Puccini toujours là, les œuvres du 20ème siècle sont bien présentes (Mona Lisa de Max von Schillings, Der Polnische Jude de Karel Weiss ou Der Golem d’Eugen d’Albert, donné à Teplitz l’année même de sa création). Ettinger fait peu évoluer le répertoire de l’opérette, à présent dominé par les créations de Franz Lehar, avec toujours Robert Stolz et Edmund Eysler mais toutefois une moindre place de Johann Strauss.
La période de la direction Kennemann (1929-1933) est marquée, surtout au début, d’un fort regain d’activité (au total quelque 200 pièces différentes en 4 ans). L’équilibre général du répertoire ne diffère pas fondamentalement de celui de l’époque Ettinger. Cependant, sur l’ensemble de cette période, les classiques des 17ème et 18ème siècle ne représentent plus que 3.5% (essentiellement Schiller), ceux du 19ème à peine plus de 5%, par contre, les œuvres réellement contemporaines font plus de 65% du répertoire, le reste (26%) étant des œuvres des années 1890-1920. Les auteurs les plus joués de la période Kennemann sont Arthur Schnitzler (de loin le plus présent avec 10 pièces jouées), puis Ferenc Molnar et Georges Bernard Shaw. L’opéra connait un certain regain, avec près de 80 œuvres représentées, dont 18 contemporaines (Weinberger, d’Albert, Hindemith, Wolf-Ferrari, Schreker, Kienzl…). Wagner et Verdi continuent à dominer le répertoire. S’agissant de l’opérette, il évolue sensiblement: à coté de Franz Lehar, Ralph Benatzky domine à présent le répertoire (8 œuvres, sans compter les multiples représentations de Im weissen Röss (« L’auberge du cheval blanc », qui date de 1930 et a été donnée à Teplitz une cinquantaine de fois). Beaucoup d’œuvres aussi de Fall, Kollo, Kalman, Abraham et toujours Johann Strauss.
La documentation disponible sur les deux années de crise 1933-1935 n’est pas suffisante pour se faire une idée exacte du répertoire. Il est certain toutefois que durant la saison de la direction Richter (1934-35), le répertoire a connu une très forte évolution en faveur des classiques. Divers écrits l’attestent et du reste, sur les 14 pièces documentées de cette période, la moitié concerne des pièces de Shakespeare, Calderon, Lessing, Goethe, Schiller et Ibsen. Les acteurs étaient de qualité (cf. biographies) et peut-être aussi les représentations mais le public teplitzois, ne semble pas avoir suivi.
Le répertoire de la première période [1] de la direction Hurrle (1935-1938) est bien documenté. Sur une petite centaine de pièces différentes représentées au cours de ces trois années, les classiques des 17-18ème siècles remontent à 11% (ils monteront encore bien plus haut à l’époque du 3ème Reich), les pièces contemporaines font encore pourtant 51% du total. Il n’y a plus réellement d’auteurs favoris: aucun n’est représenté par plus de 2 ou 3 œuvres (Molnar, Shaw, Shakespeare, Kleist, Werner, Ibsen, Bratt…). Parmi les opéras, qui sont maintenant donnés par la troupe de chanteurs d’Aussig, il n’y a plus d’œuvres contemporaines, sinon Richard Strauss, mais, un Mozart mis à part, seulement du 19ème siècle. A l’opérette Franz Lehar et Johann Strauss dominent alors très largement (loin devant Fall, Benatzky ou Offenbach).
Globalement, au-delà de ces variations, le répertoire du théâtre de Teplitz apparait d’une grande qualité, extrêmement lié à la création contemporaine, spécialement dans le domaine du théâtre. Ainsi, au cours des dix premières années de son histoire, jusqu’en 1934, il fut le lieu de nombreuses créations d’œuvres pour la Tchécoslovaquie (et parfois de créations mondiales). Ce fut notamment le cas pour deux œuvres de Georg Kaiser (Nebeneinander en 1924-25 et Oktobertag en 1928-29), pour Schinderhannes de Karl Zuckmayer, pour Die Verbrecher de Ferdinand Bruckner, de la pièce Jud Süss tiré du roman de Feuchtwanger, de Sturm im Wasserglass de Bruno Frank et de pièces de Schlesinger (Lelian), Heller (Die Bewährungsfrist), E.Wallace (Der Hexer), Sherwood (Die Waterloo Brücke) et bien d’autres (comme la première mondiale de la pièce Dschungel scénarisée par L.Fodor à partir de l’œuvre de William Somerset Maugham, présentée par la coopérative du théâtre le 6 mai 1934). A l’opéra, furent créé à Teplitz Irrelohre de F.Schreker (le 24 octobre 1925) et Holofernes de Rezniczek (le 19/12/1925). Il y eut enfin aussi quelques créations d’opérettes pour la Tchécoslovaquie, notamment Der unsterblische Franz (Bittner) en 1928-29, Marietta d’Oscar Strauss en 1929-30, Prinz Methusalem (J.Strauss) et Die weisse Herrin (Sartovski) en 1931-32. Du reste, d’innombrables œuvres contemporaines furent présentées à Teplitz-Schönau moins d’un an après leur création en Allemagne.
Autres activités
Si l’essentiel des activités du Neues Stadttheater de Teplitz-Schönau reposaient sur sa troupe, dans des représentations de théâtre, opéras et opérettes en allemand, il s’y déroulait également d’autres spectacles : pièces de théâtre, opéras ou opérettes en langue tchèque donnés par des troupes invités, matinées de contes ou spectacles pour enfants (souvent invités eux aussi) et surtout de nombreux concerts, tant de musique symphonique que de musique de chambre et Lieder.
[1] Le répertoire de sa seconde période, sous le nazisme (1938-1940), qui nous est moins bien connu et certainement dicté par les circonstances, ne nous intéresse pas ici.