Reger Liselott
Liselott Reger (1899 – 1972)
à Teplitz-Schönau de 1928 à 1933, en 1934, en 1935 et de 1937 à 1938
La metteure en scène
Isabel Charlota Regensburger, qui allait prendre plus tard pour nom de scène Liselott Reger, naquit le 5 juin 1899 dans le bourg d’Arias, au sud-est de la province de Cordoba, en Argentine, non loin de la vaste estancia des Regensburger, riche famille germano-argentine immigrée au milieu du dix-neuvième siècle. Comme ses parents et ses sœurs aînées, elle avait la double nationalité allemande et argentine. Le père mourut encore jeune durant la première guerre mondiale et la mère occupait le poste de consul d’Allemagne à Rosario lorsque sa benjamine, mordue de théâtre, décida, au terme de ses études secondaires, de partir pour l’Allemagne afin d’y suivre des cours d’art dramatique. A partir de l’été 1919, elle se forma à Fribourg et Baden-Baden, puis à Hanovre, où elle adopta définitivement le nom de Liselott Reger. Elle obtint son premier engagement annuel pour la saison 1921-1922 au théâtre municipal de Mayence, où elle fit la connaissance de Fritz Kennemann. Après le départ de Fritz pour Berlin, en 1922, Liselott prit un engagement à Neisse, en Silésie, avant de rejoindre le théâtre municipal de Rostock (en 1923) où elle rejoua avec Kennemann. Elle fut comme lui engagée en 1925 au Landestheater de Braunschweig et plus tard, donc, au Stadttheater de Teplitz-Schönau où elle joua de 1928 à 1933, puis dans la coopérative de janvier à juillet 1934, et enfin sous la direction Hurrle comme actrice invitée (elle fit en 1936 un long voyage en Argentine). Jouant plus de 60 rôles au Stadttheater, Liselott Reger n’y réalisa qu’une seule mise en scène, mais qui fit du bruit. Les mises en scènes féminines au théâtre restaient à l’époque tout à fait exceptionnelles mais la pièce qu’elle présenta était elle-même sulfureuse, par son sujet et par sa distribution ne comportant que des rôles féminins : Mädchen im Uniform (Jeunes filles en uniforme) de Christa Winsloe, dont la première représentation à Teplitz-Schönau eut lieu le 28 janvier 1933 (au moment même où le nazisme triomphait en Allemagne). Après la saison 1937-38, elle quitta Teplitz-Schönau pour la Suisse puis la France et retourna en Argentine, en 1939, avec l’acteur et metteur en scène réfugié Paul Walter Jacob, avec lequel elle se maria pour lui permettre d’obtenir la nationalité argentine. A Buenos Aires, elle avança des fonds et activa ses relations pour permettre l’ouverture, sous la direction de Walter Jacob et d’elle-même, de la Freie Deutsche Bühne, théâtre allemand libre d’opposition au nazisme, qui allait acquérir une notoriété mondiale dans le milieu de la culture. Liselott Reger joua et mit en scène à Buenos Aires jusqu’en 1944. Parmi ses mises en scène à la Freie Deutsche Bühne : Baumeister Solmes (Ibsen), Candida (Shaw), Abschiedsouper (Schnitzler), Das Lamm des Armen (Zweig), La création de Die Unbesiegte (Hellmann), Mademoiselle (Deval), Die Affäire Dreyfus (Rehfisch/Herzog), Flug nach Westen (Rice), Mutter (K.Capek), Olympia (Molnar), Von neun bis sechs (Stuart), Das Konzert (Bahr), Biographie (Behrman). Séparée (puis divorcée) de Walter Jacob, Liselott s’installa à Montevideo, en Uruguay, où elle travailla jusqu’en 1949 à la radio « la Voz del Dia » dirigée par Hermann Gebhardt, tout en jouant encore parfois à Buenos Aires en actrice invitée. En 1950, elle revint en Allemagne où elle fut engagée à Baden-Baden, puis au théâtre de Francfort-sur-le-Main, tout en jouant en invitée sur d’autres scènes, y compris au théâtre de Dortmund dont Walter Jacob, également revenu en Allemagne, était devenu directeur. Parfaitement bilingue, Liselott Reger fit aussi la première traduction publiée en allemand des œuvres de Jorge Luis Borges, qu’elle contribua ainsi à faire connaître en RFA. Elle trouva la mort à 73 ans sur un passage à niveau, à proximité du village allemand de Wunsiedel, non loin de la frontière tchèque, le 25 octobre 1972.
L’actrice
Durant une carrière d’actrice étirée sur près de 50 ans, Liselott Reger joua de multiples rôles, passant du répertoire de la débutante à celui de « erste Beliebte« , avant les « Charakterrollen« , premiers rôles, et plus tard, dans les années 50, les « Salondamen » et femmes âgés. Sa carrière la conduisit d’Allemagne en Tchécoslovaquie, de Buenos Aires à Montevideo et finalement en RFA. On peut y recenser près de 200 rôles différents. En ne retenant que les premiers rôles, on citera : Jeanne (Johanna) dans Sainte Jeanne (Die heilige Johanna) de G.B.Shaw qu’elle incarna plusieurs fois dans sa jeunesse, par exemple en 1923 à Rostock ou en 1926 à Braunschweig; Katharina dans la Mégère apprivoisée (Der Widerspenstigen Zähmung) de Shakespeare, jouée à Rostock durant la saison 1924-25 (avec pour partenaire Fritz Kennemann en Petruchio); Ev Henlein, dans Das nürenbergisches Ei de Walter Harlan, joué pour la première fois à Rostock en 1925 dans une mise en scène de Hans Donadt (son conjoint de l’époque dont elle eut un enfant mais divorça un ans plus tard) puis de nouveau à Teplitz-Schönau en mars 1930, dans une mise en scène de Fritz Kennemann (son nouveau conjoint). Elle joua aussi Solveig dans Peer Gynt, au Landestheater de Braunschweig en 1925-26 (en alternance avec Edith Fritz) dans une mise en scène de Hans Donadt, avec Fritz Kennemann en Peer Gynt. Parmi les nombreux rôles joués à Teplitz-Schönau, de 1928 à 1938, les principaux furent Julchen dans Schinderhannes (Zuckmayer), Marie Stuart, rôle titre de la pièce de Schiller, Catherine dans Oktobertag (G.Kaiser), Juliette dans Roméo et Juliette de Shakespeare, Anna dans Karl et Anna (L.Frank), Minna von Barnhelm, rôle titre de la pièce de Lessing, Katharina Knie, rôle titre de la pièce de Zuckmayer, Norma dans Ramper (Mohr), Polly dans Die drei Groschen Oper (Brecht/Weil), Johanna dans Der einsame Weg (Schnitzler), Walburga dans Die Ratten (Hauptmann), Marianne dans Herode und Marianne (Hebbel), Marrika dans Johannisfeuer (Sudermann), Elisabeth Grusinskaya dans Menschen im Hotel (V.Baum), Viktoria lors de la création de Sturm im Wasserglas (B.Frank), Klara dans Maria-Magdalena (Hebbel), Elisabeth Wagner dans Komparserie (Duschinsky), Mizzi dans Kontesse Mizzi (Schnitzler), Kriemhild dans Die Niebelungen (Hebbel), Klärchen dans Egmont de Goethe, Helen Prynne dans Intimitäten (Coward), Wera Siethoff dans Perlenkomödie (B.Frank), Myra dans Waterloo-Brücke (Sherwood), Olga Merholm dans Die Gefährtin (Schnitzler), Elga dans Elga (Hauptmann), Elisabeth von Bernburg dans Mädchen in Uniform (Winsloe), Sophie dans Ein Spiel von Tod une Liebe (R.Rolland), Iphigenie dans Iphigenie auf Tauris (Goethe), Candida dans Candida (G.B.Shaw), Lady Milford dans Kabale und Liebe (Schiller), Irina dans Schwarzrote Kirchen (Hunyadi), Lady Chiltern dans Ein idealer Gatte (Wilde) et Margaret dans In jeder Ehe (Chesterton / Neale).
Durant la période de gestion coopérative, en 1934, Liselott Reger interpréta notamment Olive dans Dschungel (Maugham/Fodor). Lorsqu’elle quitta Teplitz-Schönau, comme Fritz Kennemann, pendant la direction Richter (1934-35), elle joua en invitée sur différentes autres scènes, par exemple Geraldine dans Ist Geraldine ein Engel (Jaray) et Elga (Hauptmann) à Brüx, ou Iphigenie au Stadttheater de Berne (en mars 1935). Revenue à Teplitz-Schönau de 1935 à 1938, elle y joua encore des rôles importants, comme Olivia dans Comme il vous plaira (Shakespeare), Marie Heink dans Das Konzert (Bahr) – qu’elle reprendra à Buenos Aires en 1944 -, Natalie dans Prinz von Homburg (Kleist), Mme Arbuthnot dans Eine Frau ohne Bedeutung (Wilde), Martha Bernick dans Die Stützen der Gesellschaft (Ibsen), l’éducatrice dans Gefängnis ohne Gitter (G.Kaus) ou la femme du Pasteur dans Der Teufelschüler (Shaw). Après son exil en Argentine et l’ouverture de la Freie Deutsche Bühne à Buenos-Aires, elle y reprit d’ancien rôles, comme Candida ou Marie Stuart, mais joua aussi un nouveau répertoire : Anna dans Peripherie (F.Langer) ou Paula Junek dans Menschen auf der Eisscholle (Werner) en 1940 ; Anna Mathé dans Matura (Fodor), Mme Hill dans Weisser Flieder (Lennox), Constance dans Finden Sie das Constance sich richtig verhält (Maugham), Helene Marowa dans Der Kammersänger (Wedekind) en 1941; Bellilotte dans Das Lamm des Armen (Zweig), Fann dans Ein anständiger Mensch (Heller), Judith Müller dans Die Unbesiegten (Hellmer) pour sa création en Amérique du Sud, Mme Galvoisier dans Mademoiselle (Deval) ou la fille du rabbin dans In jener Nacht (Bistritzky) en 1942; la journaliste Louise Frayne dans Flug nach Westen (Rice), Juci Szabo dans Dr.Juci Szabo (Fodor), Olympia dans la pièce éponyme de Molnar, Helene Otozka dans Firma (Hemar) ou Christine dans Liebelei (Schnitzler) en 1943; Christine Kühne dans Konflickt (Alsberg), la peintre Marion Froude dans Biographie (Behrman) ou Ann Milton dans Der Hexer (Wallace) en 1944. Partie à Montevideo (où, séparée de P.Walter-Jacob, elle vécut avec Hermann Gebhardt, directeur de la radio La Voz del Dia), elle revint jouer parfois en invitée à la Freie Deutsche Bühne, par exemple, en 1945, Mrs Selby dans Die erste Frau Selby (Ervine). Après cinq années d’émissions radio en espagnol et en allemand sur la Voz del Dia, Liselott Reger retourna en Allemagne (1950) pour y poursuivre son métier d’actrice. Elle joua d’abord en invitée à Baden-Baden, notamment Lady Buckering lors de la création de la pièce Willst du nicht das Lämmlein hüten (N.Langley) en 1952. Elle s’installa à Francfort/Main, où elle joua entre autres Candida dans Candida de Shaw (1954) ou Lady Hurf dans Bal der Diebe (le bal des voleurs) de Jean Anouilh, donné au Theater am Rassmarkt à Francfort en mars 1955. Liselott Reger consacra surtout la fin des années 50 à traduire en allemand l’oeuvre de Borges et participa à diverses émissions radiophoniques autour de ce sujet à l’occasion des publications. Elle acheta une maison en Suisse, sur le lac Majeur (Tessin) et retourna plusieurs fois en Argentine voir sa famille. Elle continua cependant à monter occasionnellement sur les planches, la dernière fois à Heidelberg en 1965 pour jouer Esnie Miller dans O Wildnis de O’Neill.