Fritz Kennemann

Jean Giraudoux : Amphitryon 38

Le titre interroge : pourquoi « Amphytrion 38 » ? Parce que c’est effectivement la 38ème version qu’ait connue l’argument d’Amphitryon dans la littérature mondiale, pour ce qu’on en connaît. Une preuve, singulièrement parlante, que cet argument a attiré les écrivains de toutes les époques. Voici donc à présent l’utilisation la plus moderne de ce thème, une comédie qui a triomphé dans les théâtres du monde entier. Le charme particulier de cette comédie réside sans doute en ce qu’en elle, se reflète la nature joyeuse, insouciante, enjouée de l’époque hellénique et que soit captée une fois encore cette rayonnante heureuse nature qui ne connaissait pas l’idée douteuse « d’inconvenance », s’agissant de naturelles réalités de la vie entre personnes adultes. Le monde de la culture doit à cet hellénisme d’immortelles représentations plastiques de la beauté du corps humain et d’austères savants de toutes les époques se sont enthousiasmés pour elles.

C’est ici une pièce reflet de cet hellénisme ressuscité, et deux fois charmante du fait qu’elle ne revête pas la forme d’une tragédie antique mais d’une expression d’esprit moderne. Elle évoque une sorte d’Offenbachiade à la « Orphée » au théâtre. L’écrivain de l’ « Amphitrion 38 » est aussi un railleur, mais bien plus encore un fin et gracieux romantique, qui va bien plus profond. Il saisit en fait l’occasion d’entremêler les choses et les figures antiques et modernes, et de faire dire des phrases très drôles, satyriques et spirituels, mais il touche aussi des questions essentielles de la vie, avec finesse, gravité et un profond sens de la psychologie. Cependant, en fin de compte, cette pièce sensible et claire, dont la fin sonne poétiquement comme « le songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, est une glorification de la fidélité des sentiments entre les amants d’ici-bas. Comme cette charmante petite femme résiste courageusement à tous les artifices divins et charmes humains de Jupiter, comme elle déjoue simplement tous les sortilèges de l’Olympe pour rester, malgré toutes les intrigues mythiques, fidèle au fond d’elle-même à son cher mari « Amphi », comme Jupiter lui-même, « le grand dieu Bonvivant », désarmé par la courageuse simple mortelle, lui fait grâce et tire, sur le tout, le voile divin de l’oubli – tout cela devient, dans la main habile de ce poète (qui s’est déjà attiré une forte considération par une oeuvre, « Siegfried« , tout à fait sérieuse), une comédie qui a l’attrait rare de l’originalité. Il ne faut pas aborder cette charmante comédie avec de la pruderie. Mais pour des hommes mures libérés des poncifs moraux, cette pièce sérieuso-légère olympo-terrestre de la vie des dieux et des hommes devrait laisser sa marque.