Kennemann Fritz
Fritz Kennemann (1885 – 1938)
à Teplitz-Schönau de 1928 à 1933 et de 1934 à 1938; Directeur-adjoint en 1928-29, Directeur de 1929 à 1933
Le Directeur
Né à Fritzen (Prusse Orientale) le 31 juillet 1885, mort à Teplitz-Schönau (Tchéc.) le 4 février 1938. Troisième directeur du Théâtre municipal de Teplitz, de juillet 1929 à juillet 1933, après une année comme directeur adjoint et Oberspielleiter (1928-1929). A son arrivée à Teplitz-Schönau, l’été 1928, Fritz Kennemann avait derrière lui une déjà longue carrière théâtrale, comme acteur et metteur en scène (Gera 1907-08; Glogau 1908-10; Königsberg 1911-13; Hildesheim 1913-18; Mayence 1918-22; Rostock 1923-25; Braunschweig 1925-27; Hildesheim 1927-28). Il donna une vive impulsion au répertoire théâtrale du Stadttheater dès sa première saison (1928-29) avec des créations comme Schinderhannes, de C.Zuckmayer, Karl und Anna, de Leonard Franck ou Die Verbrecher, de Bruckner. Tout au long de sa direction, Zuckmayer, Schnitzler et Molnar connurent de nombreuses représentations, de même que Schiller, son auteur classique préféré. S.Maugham, L.Pirandello, S.Zweig, G.B.Shaw, E.Toller, B.Brecht (dont Die Dreigroschenoper -l’Opéra de quat’ sous- fut donné à Teplitz-Schönau dès 1929) furent aussi -avec bien sûr Gerhart Hauptmann- des auteurs contemporains bien représentés sous la direction Kennemann. Après sa démission de la direction du théâtre, en été 1933, suite lui aussi à des difficultés financières, il ne rentra pas en Allemagne par opposition au nazisme et fit des tournées en Tchécoslovaquie (où il fut, par exemple, chargé des commémorations du 3ème centenaire de la mort de Wallenstein, en jouant Wallensteins Tod de Schiller à Eger en 1934 à cette occasion). Fritz Kennemann fut de nouveau embauché, comme acteur et metteur en scène, au Neues Stadttheater de Teplitz-Schönau, de 1935 à sa mort en 1938, sous la direction de Curth Hurrle. Il y côtoya alors, avec sa compagne l’actrice Liselott Reger, de nombreux acteurs exilés d’Allemagne (tels que J.Mylong-Münz, P.Walter Jacob ou Paul Demel). Fritz Kennemann mourut d’une crise cardiaque en février 1938.
Le metteur en scène
Fritz Kennemann, qui resta toujours acteur d’abord, réalisa ses premières mises en scène lors de son engagement à Mayence (1918-1922). Pour la saison 1922-23, il vint à
Berlin pour participer au projet de Goethe Bühne, théâtre voué aux classiques, avec des acteurs en vue comme Bruno Decarli, mais ce projet fit fiasco en raison notamment de la grande inflation. Fritz Kennemann fut donc, de janvier à juin 1923, à la recherche d’invitations. Il put ainsi réaliser, comme metteur en scène invité, Nachtasyl (Les Bas-fonds) de Gorki au Deutsches Nationaltheater de Weimar (12 avril 1923), spectacle dont le succès lui facilita la suite de sa carrière. Il put faire quelques mises en scène aussi durant son engagement à Rostok (1923-1925), mais peu à Braunschweig (1925-1927). Ce qui fut une des raisons de son départ du Landestheater pour un poste de Oberspielleiter au théâtre de Hildesheim, où il pouvait mener de front les deux carrières d’acteur et de metteur en scène. Ce fut d’ailleurs la condition qu’il posa à Karl Ettinger avant d’accepter de venir à Teplitz-Schönau. Au Neues Stadttheater, Kennemann mit en scène près de 100 pièces différentes entre 1928 et 1938. En 1928-29 il inaugura son rôle de Regisseur par Mrs Cheney’s Ende (Lonsdale). Ses mises en scènes les mieux accueillis de cette première saison furent Schinderhannes (Zuckmayer), repris 10 fois, Marie Stuart (Schiller), la création d’Oktobertag de Georg Kaiser (en novembre 1928) et celle de Karl et Anna de Leonard Frank (en janvier 1929, repris 6 fois). Ensuite ce fut Das Weite Land (Schnitzler), Katharina Knie (Zuckmayer) et la création pour la Tchécoslovaquie d’Olympia de Ferenc Molnar (8 reprises) et celle de Die Verbrecher de Ferdinand Bruckner. Après pareils débuts (qui eurent un fort retentissement jusqu’en Allemagne), la suite ne pouvait être qu’en retrait, d’autant plus que Fritz Kennemann fut accaparé aussi, à partir de l’été 1929, par ses tâches de Directeur. La saison 1929-30 vit cependant encore 17 de ses mises en scène, celles qui connurent le plus d’écho étant Ramper (M.Mohr), repris 5 fois, Die Heilige Flamme (Maugham) repris 10 fois, la trilogie de Wallenstein (Schiller), repris 4 fois dans la grande salle de 1300 places et surtout Die Drei Groschen Oper (l’Opéra de quat’sous) de B.Brecht et K.Weil, donné à 17 reprises. Das Nürnbergische Ei de Walter Harlan (le père de Veit…) fut donné à 8 reprises et F.Kennemann mit aussi en scène, au printemps 1930, Der Jud Süss (scénarisé par A.Dukes d’après Feuchtwanger – pièce favorable aux juifs) pour sa création en Tchécoslovaquie (repris 5 fois). La saison 1930-31 vit 16 mises en scène de Kennemann, dont les plus marquantes furent la création de Sturm im Wasserglass, de Bruno Frank (20 reprises !) et celle de Banditen im Frack (Heller/Schütz) en présence des auteurs (10 reprises). Komtesse Mizzi (Schnitzler), avec 10 reprises et Die Niebelungen (Hebel) avec 4 reprises dans la grande salle furent aussi des réalisations marquantes de la saison. En 1931-32, on parla surtout de ses mises en scène de Hauptmann von Köpenick (Zuckmayer) qui fut repris 7 fois, de Waterloo-Brücke (Sherwood), création pour la CSR, d’ Egmont de Goethe (4 reprises dans la grande salle) et surtout de la parfaite réussite d’Elga (Gerhard Hauptmann). Exceptionnellement, Fritz Kennemann mit aussi en scène, en décembre 1931, une opérette (Prinz Methusalem de J.Strauss). 1932-33 fut marqué par Kabale und Liebe (Schiller), Vor Sonnenuntergang (Hauptmann, 3 reprises dans la grande salle), Ein idealer Gatte (O.Wilde) et Der Ruf des Leben (Schnitzler). Il fit aussi sa première mise en scène d’opéra : Rienzi de R.Wagner (avril 1933). Sa dernière mise en scène avant son retrait fut la comédie Bei welcher Frau bleibt man (Gottwald/Grielitz). Fritz Kennemann revint dans la coopérative du théâtre après le départ du Directeur Scherler (en janvier 1934). Il mit alors notamment en scène Dschungel (de Maugham, scénarisé par L.Fodor) pour sa création en langue allemande, et aussi l’opéra La Juive (Halevy), présenté à Teplitz-Schönau en avril 1934. Après une année d’absence (durant la direction Richter), Fritz Kennemann revint au Neues Stadttheater sous la direction de C.Hurrle comme acteur et metteur en scène. Dans ce dernier domaine, ses principales réalisations furent Olympia de Molnar, Pygmalion de Shaw et Das Konzert de Bahr en 1935-36; Peer Gynt de Ibsen (dont il avait tenu le rôle titre à Braunschweig), véritable triomphe en octobre 1936, puis Eine Frau ohne Bedeutung de Wilde et Fiesco de Schiller en 1936-37; enfin en 1937-38, Glorius der Wunderkmediant (Werner/M.Brod) et Gefängnis ohne Gitter (G.Kaus), sa dernière mise en scène avant sa mort subite d’une crise cardiaque le 4 février 1938.
L’acteur
Fritz Kennemann débuta sa carrière d’acteur au Hoftheater de Gera (en Thuringe), engagé pour la saison 1907-08 pour de petits rôles de « Zweiter Liebhaber » débutant, puis au Stadttheater de Glogau en Silésie (aujourd’hui Glogow en Pologne) où, de 1908 à 1910 il aborda le registre du « jugentlicher Held » (jeune premier). C’est cependant au théâtre de Königsberg, dans sa Prusse Orientale natale, qu’il joua ses premiers grands rôles du répertoire, à commencer par Roméo, dans Roméo et Juliette de Shakespeare, qu’il incarna pour la première fois en février 1913 (et repris plusieurs fois par la suite, notamment dans son affectation suivante au théâtre de Hildesheim, de 1913 à 1918). A Hildesheim, en 1913-14, il joua aussi pour la première fois Ferdinand dans Kabale und Liebe de Schiller. Quelques mois après la naissance de sa fille Ilse, en février 1914, Fritz Kennemann dut interrombre sa carrière pour aller à la guerre et ne remonta sur les planches à Hidesheim que pour la saison 1917-18, après sa démobilisation. C’est lors de son engagement au Stadttheater de Mayence (1918-1922) qu’il put acquérir une notoriété auprès du public sur le plan régional et une bonne renommé dans les milieux du théâtre allemand. Il y incarna notamment Franz Moor dans Die Räuber (Schiller), Lord Goring dans Ein Idealer Gatte (Wilde), Osvalt dans Die Gespenster (Ibsen), Danton dans Dantons Tod (Büchner) ou Marc-Antoine dans Jules Cesar (Shakespare).
Il joua aussi le lourd rôle titre dans Peer Gynt (Ibsen), qu’il devait reprendre plus tard au Landestheater de Braunschweig. Mais ce qui contribua le plus à son succès fut sans nul doute son incarnation de Hamlet, qui lui valut les critiques les plus élogieuses et qu’il reprit plusieurs fois, notamment avec grand succès à Rostock (novembre 1923) et pour la dernière fois à Teplitz-Schönau en octobre 1930 (il enregistra d’ailleurs la tirade « Être ou ne pas être » sur disque au tout début de l’enregistrement électronique, en 1925). Après son année difficile à Berlin (1922-23, échec du projet de Goethe Bühne), Fritz Kennemann fut engagé au théâtre de Rostock (de 1923 à 1925), où, outre Hamlet, il joua notamment Peter Henlein dans Das nürnberger Ei (Harlan), déjà incarné à Mayence, Petruchio dans la Mégère apprivoisée (Shakespeare) ou Faust dans le Faust de Goethe, en janvier 1925. Engagé ensuite au Landestheater de Braunschweig (une des principales scènes de province alors en Allemagne), il y joua notamment, outre Peer Gynt (8 fois entre août 1925 et janvier 1926), Barus dans Hermann und Thusnelda (Kleist), le rôle titre dans Robert Guiskard (Kleist encore) ou Bonaparte dans le Bonaparte de Fritz von Unruh pour sa création mondiale en février 1927. Oberspielleiter au théâtre de Hildesheim (1927-28), Fritz Kennemann ajouta de nouveaux rôles à son répertoire, notamment Mephisto dans le Faust de Goethe donné en décembre 1927.
Enfin, au cours de sa très longue carrière à Teplitz-Schönau, de 1928 à 1938, il joua plus de 60 rôles, dont plusieurs créations à commencer par Schinderhannes dans la pièce éponyme de Zuckmayer ou Karl dans Karl und Anna de Leonhard Frank. Il fit grosse impression dans le rôle de Wallenstein (dans la trilogie de Schiller), en novembre 1929, rôle qu’il reprit plusieurs fois en tournée à Eger ou Karlsbad en 1934). Il incarna encore Bonaparte, cette fois dans Das Lamm des Armen de S.Zweig (octobre 1930). Parmi ses meilleures fortunes critiques de la période Teplitzoise, il faut encore citer Stephan von Sala dans Der einsame Weg (Schnitzler), Hagen dans Die Niebelungen (Hebbel), Wilhelm Tell dans la pièce de Schiller, Voigt dans der Hauptmann von Köpenick (Zuckmayer), Starchensky dans Elga (G.Hauptmann). Prenant de l’âge, il passa peu à peu des « Charakter Helden » et grands rôles à ceux de « Vaterspieler« , personnages âgés comme Friedrich-Whilhelm dans Prinz von Homburg (Kleist) en avril 1936 ou de Verrina dans Fiesco (Schiller), en février 1937 ou encore le consul Bernick dans Die Stützen der Gessellshaft (Ibsen) ou le roi Philipp dans Don Carlos (Schiller).
Pour terminer, voici deux extraits d’enregistrements de Fritz Kennemann datant des années 20 :
« Sein oder nicht sein », le début de la célèbre tirade d’Hamlet de Shakespeare
Trois strophes (2,3 et 4) de « Die Harfe » du poète allemand Richard Dehmel (1863-1920)