10-03-1930 : Invitation Alexander Moissi
Lundi 10 mars 1930
Invitation de l’acteur Alexander Moissi dans
Das Vergnügen ehrlich zu sein (Il piacere dell’onesta) de Luigi Pirandello
Le grand acteur Alexander Moissi était, en 1930, une légende vivante. Certes, son style avait vieilli, mais celui qu’on avait considéré, avant guerre, comme le « meilleur acteur du monde » gardait une aura considérable, acquise dans les plus grands rôles du répertoire, y compris Hamlet. Depuis qu’il avait été le premier interprète de Jedermann (Hoffmansthal) en 1920 au festival de Salzbourg nouvellement créé, il ne faisait plus parti d’aucun théâtre et ne jouait que sur invitation, sur toutes les grandes scènes d’Europe, entouré d’une petite troupe salariée par ses soins. Invité par Fritz Kennemann, il joua à Teplitz dans la grande salle comble, le personnage d’Angelo Baldvino dans Das Vergnügen ehrlich zu sein (Le plaisir d’être honnête) de Pirandello (pièce créée à Turin en 1917). Le succès fut considérable, les applaudissements nourris. Fritz Kennemann invitera de nouveau Alexander Moissi l’année suivante et encore en 1933. L’artiste succombera à une pneumonie en 1935 à Vienne, âgé de seulement 56 ans.
Le héros du « plaisir d’être honnête », Angelo Baldvino, est d’abord un homme peu scrupuleux dépourvu de morale, qui accepte l’argent d’Agathe, amante enceinte du Marquis Fabio Colli (déjà marié) pour se marier avec elle. Bien sûr, ce sera un mariage de façade, chacun continuera ses relations adultères.
Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Angelo, pour la première fois se sent envahit d’une lourde responsabilité qu’il prend très au sérieux. Il veut aider la jeune fille, donner son nom à l’enfant à naître et se sent même plein de sollicitude pour Fabio, lui aussi victime d’une femme qui le trahit. Angelo se sent peu à peu investi d’une mission qui le réhabilitera à ses propres yeux.
Il se battra pour l’honnêteté, voulant racheter sa vie avec un idéal à suivre comme « les saints sur les fresques des églises ». Il fait tant et si bien que bientôt le marquis Fabio n’est plus le bienvenu pour Agathe, qui veut être maintenant « une bonne mère pour son fils ».
Le marquis, désespéré, veut se débarrasser du « traitre » et monte une société dont il confie la direction à Angelo dans l’espoir que celui-ci se comporte de façon malhonnête, soit chassé et perde sa nouvelle réputation. Mais Angelo, non seulement fait preuve d’une droiture parfaite mais démasque le piège que le marquis lui tendait et malgré tout, pour le bien de l’enfant, se dit prêt à être accusé de vol en lieu et place de Fabio. Alors Agathe, conquise par son honnêteté, lui demande de rester à ses côtés…
La pièce repose ainsi presqu’entièrement sur les épaules de l’interprète d’Angelo. Le talent d’Alexander Moissi rendait crédible sa métamorphose morale par une sorte d’élan mystique.