05-05-1934 : Fodor, Dschungel
Samedi 5 mai 1934
Création de Dschungel de Ladislas Fodor d’après W. Somerset Maugham
La coopérative de gestion du Neues Stadttheater de Teplitz-Schönau, en ce printemps 1934, ne manquait ni d’ambition ni de créativité puisque c’est une création mondiale qu’elle offrit au public teplitzois en cette soirée du Samedi 5 mai: Dschungel, adaptation au théâtre (par Ladislas Fodor) d’une nouvelle policière de William Sommerset Maugham intitulée Footprints in the Jungle, écrite en 1927.
L’intrigue se déroule dans la jungle de l’Asie du sud-est, sur une plantation où le colon Bronsen fait régner sa loi, ou plutôt son arbitraire, toléré bon gré mal gré par sa femme, Olive, et ses amis blancs, y compris le gouverneur Gaze qui ferme les yeux plus souvent qu’à son tour. L’avocat chinois Ongh-Ghi Seng, qui a fait ses études à Oxford, tente de défendre ses frères de couleur contre les excès du planteur qui mène ses coolies à la trique. Un anglais nouveau venu à l’âme romantique, Cartwight, s’installe dans la région et Olive voit bientôt en lui l’être qui la sortira de l’emprise oppressante de son mari.
Et un jour on retrouve le cadavre du planteur Bronsen dans la jungle. L’enquête ne va pas bien loin, s’agissant d’un individu si largement détesté. Les années s’écoulent et la jungle se referme sur ses secrets jusqu’à ce que la vérité soit découverte par hasard. Mais alors chacun préfère l’ignorer pour que tout puisse continuer comme toujours et que nul ne remette en cause ses habitudes ni ne compromette la plantation…
La pièce elle-même divisa la critique. Karl Jilg, du Teplitz-Schönauer Anzeiger, n’apprécia guère la mise en cause sous-jacente de la société coloniale et s’insurgea » Est-ce là l’exemple de la mission culturelle des peuples européens ?… une faute reste inexpiée, car le meurtre est le meurtre, même si la victime est comparée au tigre prédateur dans la jungle. Est-ce que ce serait la nouvelle morale des gentilshommes pour aujourd’hui et pour demain ? « . Au contraire, Ernst Thöner dans le journal socialiste Freiheit se félicite que la troupe ait présenté une pièce aussi clairement critique de la société coloniale.
Le décor présentant un bungalow dans la jungle tropicale, parfois au clair de lune, fut apprécié par les uns et moqué par les autres. La mise en scène était de Fritz Kennemann, qui jouait aussi le rôle du planteur Bronsen. Liselott Reger jouait Olive, Hans Hansen était Cartwight et l’avocat Ongh-Ghi-Sen était incarné par Paul Lewitt. Les rôles secondaires étaient tenus par Emil Reissner (le médecin), Christa Christl (Cecily, la femme de ce dernier), Viktor Saxl (Le gouverneur Gaze), Josef Wichart et Maria Olbis (des domestiques), Wolfgang Müller-Frees et Georg Pilza en invité.
« En tout cas, nos artistes ont su faire quelque chose de cette « jungle » et leur travail a été salué par de chaleureux applaudissements. L’attrait érotique de la pièce est indéniable. Il serait encore accrue par quelques intelligentes coupures » conclut Freiheit. Et le Teplitz-Schönauer Anzeiger se plaignit aussi de la trop grande longueur de la pièce « obligeant les spectateurs à supporter plus de trois heures la chaleur accablante« . La pièce fut reprise encore quatre fois en mai.